Écrire la vie: Non-fiction, vérité et psychanalyse
by Helen Epstein
2020-05-15 02:39:10
Écrire la vie: Non-fiction, vérité et psychanalyse
by Helen Epstein
2020-05-15 02:39:10
[â¦] Beaucoup de ceux qui ont traversé lâexpérience analytique en parlent non pas comme dâun travail qui les a guéris, mais comme dâune démarche qui les a sauvés. à la lecture des textes dâHelen Epstein, on est touché par cet...
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[â¦] Beaucoup de ceux qui ont traversé lâexpérience analytique en parlent non pas comme dâun travail qui les a guéris, mais comme dâune démarche qui les a sauvés. à la lecture des textes dâHelen Epstein, on est touché par cette évidence : lâécriture est pour elle une nécessité vitale, celle de donner du sens à son existence, de « trouver sa propre voix et sa propre langue », ce qui rentre en écho, bien évidemment, avec lâexpérience du divan, qui fut sienne également. Littérature et psychanalyse ne sâopposent pas dans son travail, mais au contraire se nourrissent mutuellement, allant toutes deux jusquâà déclencher chez elle cette « vitesse psychique », énergie créatrice proche de lâentrée dans la « zone » bien connue des sportifs, celle du dépassement de soi. Car câest bien dâénergie dont il sâagit ici, associée à la force morale et physique nécessaire pour ouvrir une brèche dans le mur de douleur édifié par la génération précédente. Il faut du courage, en effet, pour oser sây aventurer et traduire enfin en mots cette expérience sur laquelle aucune parole nâavait encore été déposée. Peut-on mieux décrire la situation dâun enfant prisonnier de cet héritage que ne le fait Helen Epstein dans ces lignes : « Pendant des années tout est resté enfermé dans une chambre forte, enfoui si profondément en moi que je nâétais même pas sûre de ce que câétait [â¦]. Les fantômes, eux, avaient une forme et un nom, ce qui reposait à lâintérieur de moi nâen avait pas. Quoi que ce fût, sa puissance était telle que les mots sâeffritaient avant toute description » ? Câest à la fois lâécriture et la psychanalyse qui vont lui permettre la mise en forme symbolique de ce qui gisait obscurément dans cette crypte, et ces deux démarches ouvriront à celle qui en était porteuse lâaccès à un savoir. Mais sâil faut quâelle sache, il faut aussi que « cela se sache », le travail dâHelen Epstein obéissant au double impératif de la connaissance de soi et de la transmission.Le rapport entre fiction et non-fiction est une question à laquelle tout écrivain se voit confronté. Helen Epstein lâaborde en proclamant son goût pour « les récits de vie », ceux qui amènent lâauteur à tremper sa plume dans son propre sang, dans la chair de sa propre existence. Elle nâest pas dupe pour autant du fait que « ce que nous concevons comme récit de vie est, bien sûr, une construction du souvenir truffée dâerreur, dâinterprétation, de fantasme ». Comment ne pas penser ici à un texte de Freud, Constructions en analyse, et à ce que lâinventeur de la psychanalyse y dit des effets positifs dâun tel travail, même lorsque ce dernier ne parvient pas à restituer le cÅur du souvenir : « Très souvent on ne réussit pas à ce que le patient se rappelle le refoulé. En revanche, une analyse correctement menée le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui, du point de vue thérapeutique, a le même effet quâun souvenir retrouvé. » [â¦] (Préface de Philippe Grimbert : La vérité selon Helen Epstein)
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