Jean Barois
By Roger Martin du Gard
18 Mar, 2019
Excerpt.......
En 1878, à Buis-la-Dame (Oise).
La chambre de Mme Barois.
Pénombre. Derrière les rideaux, la lune strie de noir et de blanc les persiennes. Sa lueur sur le parquet, met en relief un bas de robe, une bottine d'homme qui bat
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Excerpt.......
En 1878, à Buis-la-Dame (Oise).
La chambre de Mme Barois.
Pénombre. Derrière les rideaux, la lune strie de noir et de blanc les persiennes. Sa lueur sur le parquet, met en relief un bas de robe, une bottine d'homme qui bat silencieusement la mesure. Deux respirations; deux êtres s'immobilisant dans une même attente.
Par moments, dans la pièce voisine, le grincement d'un lit de fer; une voix d'enfant, sourde, entrecoupant des mots de rêve ou de délire. Dans l'entrebaîllement de la porte, un reflet mouvant de veilleuse.
Longue pause.
LE DOCTEUR (à voix basse).—Le bromure agit, la nuit va être plus calme.
Lourdement Mme Barois se lève et, sur la pointe des pieds, s'approche de la porte; appuyée au vantail, le masque inerte et douloureux, les paupières à demi baissées, elle regarde fixement dans la chambre éclairée.
Mme Barois: grande vieille femme, au ventre déformé, à la démarche pesante.
L'état cru de la veilleuse fouille impitoyablement son visage ravagé; la peau est jaune, distendue; des ombres soulignent la bouffissure des yeux, la chute des joues, le gonflement des lèvres, le fanon.
Une bonté rigide, un peu bornée; une douceur têtue; de la réserve.
Quelques minutes. Less